SCP CASTON TENDEIRO

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Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mardi 6 mai 2014
N° de pourvoi: 13-11.039
Non publié au bulletin Rejet

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 septembre 2012), que Mme X..., propriétaire d'un immeuble ancien à ossature bois, donné à bail pour un usage de restaurant au rez-de-chaussée et d'hôtel dans les étages, a fait réaliser, en 1994, le ravalement de la façade sur cour par M. Y..., architecte, la société TFE,

titulaire du lot maçonnerie, assurée auprès de la société AGF, aux droits de laquelle se trouve la société Allianz assurances, et la société Traitement application construction (la société TAC), assurée auprès de la société Generali, chargée de renforcer les pans de bois de la façade ; qu'elle avait souscrit une assurance dommage-ouvrage auprès de la société Mutuelle des architectes français (la MAF) ; qu'en janvier 1996, Mme X... a reçu de l'autorité administrative un courrier lui interdisant l'accès du public dans son immeuble, sous peine d'arrêté de péril, eu égard au risque d'effondrement du plafond dans la salle de restaurant et à l'important dévers de l'escalier intérieur de l'hôtel ; qu'elle a assigné les constructeurs en responsabilité et en indemnisation sur un fondement contractuel ; qu'après son décès, l'instance a été reprise par ses héritiers, les consorts Z... (les consorts Z...) ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les consorts Z... font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande tendant à voir juger que les sociétés TFE et TAC avaient commis une faute engageant leur responsabilité sur le fondement de l'article 1147 du code civil, juger que les AGF, pour la société TFE, et la société Generali, pour la société TAC, devaient leur garantie, et de les débouter de leur demande tendant à voir condamner solidairement M. Y..., les AGF, la société TAC et la société Generali à leur payer certaines sommes au titre des travaux de réparation, au titre des loyers et charges échus et au titre des condamnations prononcées à leur encontre, et de condamner in solidum la société TFE et son assureur AGF à leur payer seulement 15 % du prix des travaux et du préjudice locatif, alors, selon le moyen :

1°/ que (sur l'escalier) il résultait des propres constatations de l'arrêt que les désordres de l'escalier, soutenu par le poteau en bois situé à l'angle de la façade, étaient causés par l'absence de protection de ce poteau lors du ravalement ayant entraîné des infiltrations et un affaissement du linteau sur lequel l'escalier était appuyé ; qu'en retenant que les désordres étaient explicables par leur évolution propre et que la société TFE n'avait pas commis de faute, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et, a violé l'article 1147 du code civil ;

2°/ que (sur le plancher haut du restaurant) la cour d'appel, pour affirmer l'absence de cause efficiente de l'absence de dispositif d'étanchéité, a retenu l'affaissement de la poutre porteuse antérieurement aux travaux et relevé que l'immeuble était déjà vétuste et mal entretenu ; qu'une telle constatation n'était pas de nature à écarter tout lien de causalité entre l'absence d'étanchéité et l'affaissement du plafond du restaurant ; qu'en se déterminant de la sorte, la cour d'appel a donc statué par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regarde l'article 1147 du code civil ;

3°/ que la contradiction de motifs équivaut au défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait tout à la fois retenir qu'« il est établi que le désordre affectant le plancher haut du restaurant résulte de l'absence de solin de protection du mur de façade » et qu'« il n'est pas établi que le défaut de pose du solin lors des travaux de 1994 ait été la cause déterminante de l'affaissement du plancher haut » ; qu'en se déterminant de la sorte, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et partant, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé, d'une part, que, malgré l'absence de traitement et de protection particulière du poteau lors des opérations de ravalement, le désordre n'était pas dû à une mauvaise réfection de la façade mais à une humidité ancienne, conséquence de la vétusté de l'immeuble et de son défaut d'entretien ainsi qu'au dégât des eaux survenu en cours de chantier ; d'autre part, que les désordres affectant la poutre supportant le plancher haut du restaurant étaient antérieurs aux travaux de la société TFE, la cour d'appel, qui a substitué ses motifs propres à ceux du tribunal sur l'incidence de l'absence de solin, a pu retenir que les désordres n'étaient pas en relation directe avec les travaux de ravalement ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que les consorts Z... font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande tendant à voir juger que M. Y... avait manqué à son devoir de surveillance et à son obligation de conseil et tendant à le voir condamner solidairement avec les AGF, la société TAC et la société Generali à leur payer certaines sommes au titre des travaux de réparation et au titre de loyers et charges échus et les sommes de 153 040 euros et 129 903 euros au titre des condamnations prononcées à leur encontre, alors, selon le moyen :

1°/ que les architectes sont tenus d'un devoir de surveillance et de contrôle des travaux relevant de l'exécution de leur mission ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu la responsabilité de la société TFE pour le sinistre survenu pendant l'opération de ravalement (obstruction du collecteur) et ayant contribué à la survenance des désordres constatés ; qu'elle ne pouvait donc considérer que M. Y..., qui supervisait et assurait la surveillance du chantier, n'avait pas commis de faute ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1147 du code civil ;

2°/ que l'architecte est tenu d'un devoir de conseil envers le maître de l'ouvrage durant toute l'exécution de sa mission ; que pour débouter les consorts Z... de leur demande dirigée contre M. Y... la cour d'appel a retenu que celui-ci n'avait pas la charge des défaillances intérieures de l'immeuble ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, comme elle y avait été invitée, si l'architecte n'aurait pas dû, en vertu de son devoir de conseil, alerter le maître d'ouvrage sur les dangers présentés par l'escalier et résultant des travaux de reprise du gros oeuvre correspondant à sa mission, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

3°/ que l'architecte ne peut échapper à sa responsabilité qu'en invoquant une cause étrangère, le fait d'un tiers imprévisible et irrésistible ou la force majeure ; qu'en refusant de retenir la responsabilité de M. Y... motif pris qu'il n'était « pas établi que les défaillances (intérieures de l'immeuble) lui soient apparues » sans retenir une cause exonératoire de responsabilité, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu que l'obstruction de l'écoulement n'était pas décelable par l'architecte et que les désordres affectant l'escalier étaient la conséquence de la vétusté et d'un entretien défaillant par les propriétaires, avisés depuis plusieurs années de la situation, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a pu en déduire que l'architecte n'avait pas commis de faute dans l'exécution de sa mission de surveillance des travaux et de son obligation de conseil ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les consorts Z... aux dépens ;